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Consensus, Contradictions, Controverses et Concessions.

Dernière mise à jour : 1 juin 2022



Frank Escoubès est co-fondateur et co-président de Bluenove. Expert en intelligence collective et en innovation sociale, il publie en juin avec Gilles Proriol le livre La démocratie, autrement – L’art de gouverner avec le citoyen aux éditions de l’Observatoire.


La question des nouveaux modèles démocratiques est de plus en plus présente dans la société. C’est d’ailleurs le thème de ton dernier livre. Comment expliques-tu cette évolution ?

Il y a convergence des crises : crise de la représentation politique (on ne fait plus confiance à nos représentants élus), crise de la liberté d'expression (on ne sait plus débattre sans s'invectiver ou s'offenser), crise "cognitive" du citoyen (on ne sait plus exercer un raisonnement démocratique dans un contexte de complotisme, de fake news et de fragmentation de l'information).

Cette thrombose des crises aboutit à une crise de la puissance de décider, comme en témoignent l'impasse de la réforme des retraites ou la catharsis collective de la crise des Gilets jaunes. Le choc de la crise sanitaire a opéré un point de bascule en créant un gouvernement des savants et des sachants, artificiellement déconnecté des citoyens, des corps intermédiaires, des territoires et des contre-pouvoirs.

C'est pourquoi on assiste aujourd'hui à un renouveau du besoin d'expression démocratique, qui peut prendre la forme d'une démocratie participative sereine (la parole citoyenne en complément de la démocratie représentative) ou d'une démocratie directe plus radicale (Référendum d'Initiative Citoyenne, pétitions...). La première option a ma préférence. Et il y a urgence, car le risque de décrochage démocratique de pans entiers de la population n'est pas à écarter. L'une des couvertures récentes du magazine Marianne titrait : "La France qui s'en cogne"...

Penses-tu qu’elle puisse s’appliquer au monde économique ? Pourquoi ?

Bien sûr. Nous sommes tous multi-identitaires : à la fois citoyen, "travailleur" (salarié ou pas) et consommateur. Le besoin d'être écouté, d'être impliqué dans la construction des politiques publiques et de participer à la décision, s'il a émergé dans le contexte civique, déborde de facto dans le monde économique. Il n'est plus possible de diriger une entreprise sans solliciter et responsabiliser l'ensemble des collaborateurs (y compris les "invisibles"), sauf à les infantiliser. Le management doit faire sa mue : devenir un management de l'inclusion et de la responsabilisation. En impliquant non seulement les salariés, mais également l'ensemble des parties prenantes internes et externes (organisations syndicales, clients, fournisseurs, société civile associative, territoires, etc.).

La réussite de la transition écologique passe aussi par un dialogue renforcé des parties prenantes. Quelles sont les clés pour le réussir ?

Il faut d'abord créer une culture du dialogue entre l'entreprise et ses différentes parties prenantes. Cela requiert de bien identifier lesdites parties prenantes (au-delà des plus "vocales", souvent les lobbies et les groupes de pression), de comprendre quels sont les besoins exprimés (telle partie prenante a tel besoin de la part de l'entreprise pour évoluer et inversement) et d'adopter la bonne nature d'échange. Il y a 4 types d'échanges possibles : quels sont les consensus sur lesquels s'accorder entre l'entreprise et ses parties prenantes ? Quelles sont les contradictions qui s'expriment (impossibilités techniques, organisationnelles, financières, juridiques... face à telle revendication) ? Quelles sont les controverses à reconnaître et à traiter (divergence de valeurs ou de grilles de lecture du monde entre parties prenantes) ? Quels sont les espaces de concessions possibles qui amèneront progressivement à des compromis acceptables ? La réussite de la transition écologique passera par une saine gestion de ces 4 C : Consensus, Contradictions, Controverses et Concessions.

Bluenove sera un acteur central de la consultation du Grand Défi qui débutera en janvier. Quels en sont les principaux objectifs et quels seront, pour toi, les grands marqueurs de sa réussite ?

L'objectif du Grand Défi, à mes yeux, est de faire émerger les besoins des entreprises et les opportunités à saisir pour accélérer la transition écologique avec force et proactivité. Les propositions concrètes correspondant à ces besoins et opportunités suivront lors de la Grande Consultation des 150 tirés au sort. Tout l'enjeu du Grand Défi en amont consiste donc à diagnostiquer les besoins récurrents des acteurs économiques et à dessiner un référentiel d'opportunités potentiellement comparable aux 17 Objectifs du Développement Durable, mais constitué d'ingrédients propres aux spécificités de l'entreprise. La démarche aura réussi si l'on réussit à mobiliser largement et à respecter une certaine forme de représentativité dans les réponses des acteurs économiques.

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