François, peux-tu d'abord nous expliquer ce qu'est le Hugo Observatory et sur quoi il travaille ?
Il s’agit d’un centre de recherche consacré aux changements environnementaux et aux migrations. C’est le premier laboratoire qui soit dédié à ce qu’on appelle les ‘migrations environnementales’, et qui rassemble à ce titre une dizaine de chercheurs, venus de différentes disciplines et de différentes régions du monde. C’est un sujet de recherche de plus en plus important, mais qui était traité tantôt au sein des études sur les migrations, tantôt au sein des études environnementales. Nous avons vraiment essayé de rassembler tout cela en un centre intégré. Nous menons surtout des projets de recherche empiriques, comme par exemple le projet HABITABLE, qui essaie de comprendre quand et comment les gens prennent la décision de migrer.
Tu fais partie du Giec dont le 2e volet du 6e rapport vient de paraître. Pour tous ceux qui ne le liront pas, peux-tu nous dire deux ou trois points saillants qu'il faut absolument retenir pour le Grand Défi ?
Je pense que l’essentiel est de retenir qu’il faut désormais parler des impacts du changement climatique au présent, et non plus au futur. Cela implique pour les politiques la nécessité de développer dès à présent des stratégies ambitieuses pour l’adaptation, et pas seulement pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En même temps, dans plusieurs régions du monde, les limites de l’adaptation sont déjà atteintes et dépassées, ce qui implique de déployer également des fonds pour compenser financièrement les pertes et préjudices infligés par le changement climatique, ce qui est une question très sensible d’un point de vue politique. Enfin le rapport montre également l’importance de lutter aussi contre les inégalités sociales : le changement climatique accroîtra les inégalités sociales, et une société plus inégalitaire est aussi une société plus vulnérable au changement climatique.
Avec la guerre en Ukraine, l'actualité géopolitique est évidemment très chargée. Tu viens d'ailleurs de publier un ouvrage de géopolitique, sur le climat. Y évoques-tu le risque de conflit lié aux enjeux climatiques et si oui, peux-tu nous donner un ou deux exemples ?
Bien sûr : de plus en plus, on se rend compte que le climat est un enjeu géopolitique de premier plan, et malheureusement aussi un facteur de conflits. En Afrique, on a pour l’instant plusieurs conflits, au Nigéria ou en Ethiopie par exemple, qui trouvent leur origine dans une question foncière : des populations qui ne peuvent plus tirer un revenu suffisant de leurs cultures convoitent les terres d’autres populations, ce qui crée des conflits. Ou alors les routes de transhumance du bétail se trouvent modifiées par le climat, et on peut avoir des tensions entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires.
Tu as accepté de signer La Tribune fondatrice du Grand Défi et étais également présent au lancement de la Grande Consultation à Paris le 15 février. Pour toi, ce serait quoi un Grand Défi réussi ?
Ce serait un Grand Défi où de nombreuses entreprises s’engagent dans une vraie démarche de démocratie délibérative au sein de l’entreprise. Où les salariés et cadres discutent, s’informent, font des propositions ensemble pour définir une trajectoire de décarbonation pour l’entreprise. Je pense vraiment que le processus délibératif est essentiel, et doit s’étendre à l’entreprise.
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