Valérie Gramond et Hugo Cartalas ont fondé Greenlobby, un cabinet de lobbying qui aide les acteurs à impact à prendre le leadership dans leur secteur pour devenir prescripteurs des politiques publiques et changer la loi.
Valérie et Hugo pouvez-vous vous présenter, s’il vous plaît ?
Valérie Gramond : Je suis économiste et juriste de l’environnement. J’ai travaillé à l’Assemblée Nationale, au cabinet de deux ministres de l’environnement, à la DG environnement de la Commission européenne avant de diriger le service de l’écologie urbaine à la ville de Paris et la direction des programmes au WWF. J’ai également exercé dans le privé.
Hugo Cartalas : Je suis diplômé en droit et sciences politiques, j’ai travaillé dans un premier temps au WWF. Je m’intéresse particulièrement au fonctionnement du Parlement et à la transcription légistique. J’ai à mon actif plus de 1.000 amendements pour plus de 5.000 reprises parlementaires (Loi Climat & Résilience, Loi Agec, PLF ...).
Quel est le rôle de Greenlobby ? Pouvez-vous citer quelques exemples concrets de réalisations et d’accompagnements ?
VG : Avec Greenlobby, nous faisons de la veille règlementaire et du décryptage politique. Concrètement, nous aidons plusieurs structures, notamment un gros cabinet d‘assurances qui cherche à se repérer dans la jungle des règlementations et des lois afin de voir ce qui le concerne en matière de RSE et pouvoir acquérir une culture générale en politique. En ce moment nous discutons sur le 49.3, le projet de loi de finances, la planification écologique …
Nous intervenons en soutien pour aider les entreprises à bifurquer et à pouvoir, de manière concrète et progressive, intégrer les enjeux de la transition écologique sans remettre en cause leur business, sans avoir des critiques de leurs clients, leurs fournisseurs ou leurs investisseurs. Après avoir établi un bilan, nous mettons en valeur les offres ou les activités les plus vertueuses de la structure. Et l’on coache l’équipe de manière à avancer efficacement et progressivement. L’étape d’après c’est la transformation du secteur. On aide les parties prenantes à prendre le lead de la transformation écologique, à faire modifier la loi pour que la prime au vice ne perdure pas et qu’ils deviennent prescripteurs auprès des décideurs politiques qui auront à cœur d’écouter des acteurs économiques force de proposition. On apporte ainsi aux entreprises que l’on accompagne de l’avantage concurrentiel.
Comment définiriez-vous le lobbying d’intérêt général ? En quoi est-il fondamental ?
VG : Les entreprises engagées ont un rôle essentiel à jouer pour inverser le rapport de force. Elles ont le pouvoir de changer la loi. On sait qu’aujourd’hui le lobbying n’a pas bonne presse mais si l’on veut une société plus juste et plus écologique, il va falloir s’organiser ! Il faut bien avouer qu’aujourd’hui ce sont les lobbys qui fabriquent la loi, avec pas mal d’efficacité. Et ce sont les lobbys des pollueurs qui freinent toute législation, toute réforme. Le monde de l’impact doit donc s’organiser, c’est essentiel pour donner de la force et de la visibilité aux décideurs politiques, que les acteurs économiques engagés portent une voix très claire.
Pour donner un nouveau cadre à l’économie, fixer les nouvelles règles du jeu qui intègrent les externalités positives et négatives, nous avons un outil d’une efficacité redoutable et qui ne coûte rien, c’est la loi. La loi fixe les nouvelles règles, donne de la prévisibilité aux acteurs économiques, elle permet de libérer l’innovation, l’investissement dans les chaînes de valeur. Un exemple : la loi Garot qui interdit les invendus alimentaires des grandes surfaces, ce qui permet à des startups comme Phoenix ou Too Good To Go d’émerger et de multiplier par 4 leur chiffre d’affaires en 2 ans.
Vous avez lu et détaillé les propositions de nos délégués. Qu’en avez-vous pensé ?
HC : Les propositions sont à la fois très riches, intéressantes et originales. Ce que j’ai trouvé très intéressant en particulier, c’est tout le cadre de pensée qui a permis d’ouvrir au maximum la réflexion. Le fait d’avoir travaillé par brique de parties d’entreprises (gouvernance, production, distribution, vente, communication…) a, selon moi, fait toute la différence. On arrive à des propositions différentes de ce qui a déjà été proposé par d’autres acteurs. Cela a permis un certain degré de précision au niveau des mesures que l’on peut maintenant s’amuser à reconstituer dans des grands chapeaux.
Quelles seraient vos recommandations pour pousser leurs propositions auprès des décideurs publics ?
VG : Ne vous concentrez que sur les propositions qui ont du potentiel… 90% de l’efficacité du travail que vous faites aujourd’hui dépendra de l’intérêt que vont porter les décideurs politiques à vos propositions. Même si les propositions sont géniales, ce qui compte c’est que les décideurs politiques s’en emparent car à défaut, elles tomberont dans l’oubli. Mon premier conseil, c’est la transcription légistique de la proposition, c’est-à-dire qu’il faut transformer la proposition en une politique publique. Il vous en reviendra de saisir le momentum. La proposition de loi ou l’amendement doivent être si possible prêts à l’emploi. Un autre conseil serait de concentrer votre énergie sur les propositions qui sont réellement systémiques, celles qui s’attaquent à la racine du problème. Car elles auront un réel impact, et concerneront en cascade des milliers d’acteurs économiques. Sur chacune des propositions, il faut essayer de faire une cartographie des alliés, des opposants, de cibler les plus puissants et les moins puissants pour pouvoir établir une stratégie d’alliance.
Selon vous, le Grand Défi sera réussi, si … ?
VG : Si vous arrivez à porter de 5 à 10 propositions auprès des décideurs politiques qui les auront adoptées dans la loi. Et ces 5 à 10 propositions devront être portées par un groupe plaidoyer qui veille à ce qu’en un an, les décideurs politiques se les approprient et les fassent voter. Il faut que les délégués deviennent des lobbyistes en puissance chacun dans leur secteur !
Comentarios